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Comment les internautes vivent et vivront avec internet ? (13 janvier 2003)

La réalité, le discours, les illusions (par Olivier Creusy, Co-fondateur d’Epoc Dynamiques)

Prenons un peu de temps, et amusons-nous à regarder internet comme une grande innovation, qui a brutalement surgi dans notre environnement. Comment les choses se sont-elles passées, que pouvons-nous comprendre sur nous mêmes à travers nos réactions, et pouvons-nous deviner ce qui peut venir après ?

La réalité, le discours, les illusions

Le temps de la culture et l’urgence de l’économie

La mot clé de la jeune histoire d’internet en France est décalage. Il est d’une banalité extrême de parler de mondialisation et de considérer que les nouvelles règles d’un marché sans limites s’imposent désormais à tous les acteurs de l’économie.

Cela provoque deux réactions : la première consiste à résister à cette force, et à affirmer son identité et sa différence. C’est une approche culturelle avec laquelle on ne peut qu’être d’accord : communiquer et échanger avec le monde n’empêchent pas les cultures de préserver leur diversité et de s’exprimer avec authenticité.

La technologie doit faciliter les échanges, elle ne doit pas standardiser jusqu’à la caricature le contenu de ce qui s’échange. On revendique alors un point de vue délibérément décalé par rapport à un discours économique dispensé du moindre doute.

La seconde réaction donne la priorité absolue à la mise à niveau de nos pratiques par rapport au modèle le plus avancé, anglo-saxon en l’occurrence. L’obsession du retard, qui impose de mettre les bouchées doubles pour ne pas se laisser distancer et tenir son rang dans un peloton de tête, dont finalement on ne sait pas vraiment vers quoi il se dirige. L’important c’est d’être dans la course et donc de lutter contre toute manifestation d’un retard dans l’utilisation active des nouvelles technologies qui nous condamnerait à plus ou moins brève échéance.

Il y aurait donc confrontation d’une nécessité économique, perçue confusément, et décalée par rapport à un risque tout aussi confus de standardisation excessive des comportements.

Le papier et l’image

Une autre forme du décalage a permis à un discours enthousiaste et peut-être trop peu porté à l’auto-critique de créer une réalité factice. Par nécessité, les entreprises de la nouvelle économie, ont d’abord et surtout été des idées, une vision avant-gardiste d’un marché où tout se passerait différemment. Quelques années seraient cependant nécessaires pour transformer les idées en réalité, et jour après jour mesurer la difficulté d’inventer un nouveau monde.

Il fallait impérativement que ces entreprises, pour se financer, créent l’illusion d’exister vraiment dès le premier jour, comme des embryons sains qui donneront de beaux bébés. Décalage donc entre l’intention et la réalité, entre le projet sur le papier et la vérité tangible du marché.

De vraies entreprises se sont, elles, emparées de ces illusions en devenir pour augmenter chiffres d’affaires et profits et s’inventer de nouveaux talents. Les investisseurs, les avocats d’affaires, les agences de publicité, les médias, les supports publicitaires sont devenus les partenaires naturels et impliqués de cette aventure qui ouvrait des perspectives insoupçonnées. Décalage ici entre les images brillantes construites par la communication, et la réalité concrète des entreprises en chantier.

Le Sentier et la campagne

La communauté internet est une micro société qui regroupe des aventures individuelles à la fois originales et très homogènes. Le monde du travail a frémi sous l’effet d’une onde venue de l’Atlantique et du nord de l’Europe, qui a encouragé les jeunes diplômés et quelques managers plus ouverts aux entreprises exposées à l’incertitude de l’innovation technologique ( informatique, telecom, logiciels etc. ).

L’enthousiasme de participer à la création d’un nouveau monde, communicatif et entretenu par la nécessité de se convaincre de son propre projet en le partageant joyeusement avec les autres, a eu deux conséquences majeures : d’abord le développement du doute, au sein des activités plus traditionnelles, qui s’est manifesté par le départ d’éléments confirmés vers les start-ups et le reflet de ce désamour dans les cours de bourse.

Ensuite, l’aveuglement de la communauté internet sur l’inertie des comportements et des réticences suffisamment profondes pour tout compromettre, parmi lesquelles : la lenteur de l’évolution de la pénétration du PC dans les foyers, le stress quasi culturel généré chez nos concitoyens par l’informatique, la suspicion sur la sécurité des paiements, le scepticisme face à des modèles d’intermédiation plus ou moins exotiques . Les lofts du Sentier n’étaient pas le poste d’observation idéal d’un marché somme toute très raisonnable, critique et exigeant. Un vrai décalage psychologique et social.

Le OFF et le ON

Dans la pratique concrète du marketing, on ne peut pas ne pas voir le fossé qui sépare le marketing traditionnel et le marketing online. Pour faire simple, rappelons simplement que le marketing est une démarche qui consiste, à partir de données, d’intuitions et d’expérience, à proposer au marché des produits qui lui conviennent suffisamment pour être achetés au prix demandé.

Les choix qui s’offrent à l’homme de marketing sont multiples, le doute est permanent, mais le temps a permis aux concepts et aux outils de faire leurs preuves. Par contraste , la jeunesse du marketing online, la création des technologies au fil de l’expression d’un besoin, l’incertitude sur les performances et l’absence d’outils de contrôle fiabilisés, empêchent encore les professionnels d’établir une relation de confiance entre les marques, les prestataires et les prestations. Rien de définitif, mais un sérieux décalage entre les attentes concrètes des responsables de budgets et certaines pratiques en vigueur.

La vie et le clavier

Il ne s’agit peut-être pas d’un nouveau monde. Une nouvelle économie et ça sera déjà bien assez. La vie sociale prend le dessus. Chaque internaute est aussi un citoyen, le membre actif d’une société à l’intérieur de laquelle il consomme, mais aussi travaille, rêve, joue, communique, crée, ou ne fait rien. Le web est un monde parallèle, un accès à une réalité satellite qui doit se rendre utile et faciliter ou enrichir les expériences de la vie réelle.

La fascination qu’exerce internet sur celui qui le découvre, la première expérience réussie de l’envoi d’un e-mail à l’autre bout du monde ou de la réservation d’une place de théâtre ne doivent pas être confondues avec la révélation d’une nouvelle citoyenneté. Le web n’est pas le monde virtuel où tout sera plus facile : si la communication avec les autres est plus simple, sera-t-elle plus profonde et plus sincère, si la création est accessible à un large public, ce public sera-t-il plus curieux et sensible ?

Ce dernier décalage est celui de la réalité concrète d’une société et des moyens que la technologie lui donnent. La technologie rend des services infinis, mais est-ce que notre besoin le plus urgent et notre moteur le plus dynamique n’est pas de savoir ce que nous attendons de la vie ?

Olivier Creusy

Co-fondateur d’Epoc Dynamiques

Conseil en efficacité marketing et commerciale