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Le nouveau régime de responsabilité des acteurs d’internet


Article paru le : 26 décembre 2002

Août 2000

Le 1er août 2000 a été promulguée la loi n°2000-719 modifiant la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication. Est ainsi crée un nouveau chapitre : " Dispositions relatives aux services de communication en ligne autres que de correspondance privée " concernant directement les acteurs d’internet.

Le projet avait été initié au mois de mai 1999 avec le vote de l’amendement Bloche qui visait à clarifier la responsabilité des intermédiaires techniques (fournisseur d’hébergement et fournisseurs d’accès). Après sept lectures au Parlement, plusieurs décisions de justice rendues en la matière et une décision du Conseil Constitutionnel du 27 juillet 2000, le projet initial a connu de nombreuses modifications.

Le nouveau dispositif est constitué de quatre articles (43-7 à 43-10) qui traitent des diverses obligations mise à la charge des professionnels de l’internet ainsi que de la responsabilité des hébergeurs. Les nombreuses modifications apportées à ce texte lors de son élaboration et les violentes critiques des milieux professionnels concernés rappellent la difficulté de trouver un équilibre entre liberté de communication et droit des personnes.

Sur la responsabilité des fournisseurs d’hébergement, la jurisprudence s’était déjà prononcée plusieurs fois mais de manière divergente. Dans l’affaire Estelle Hallyday, la Cour d’appel de Paris (10 février 1999) avait condamné le fournisseur d’hébergement Altern.org à verser 300.000 francs de dommages et intérêts provisionnels au célèbre mannequin pour avoir hébergé un site diffusant des photos privée de celle-ci.

La cour avait considéré que le fournisseur d’hébergement excédait " manifestement le rôle technique d’un simple transmetteur d’information " et devait " assumer à l’égard des tiers aux droits desquels il serait porté atteinte (…), les conséquences d’une activité qu’il a, de propos délibéré, entrepris d’exercer ". Plus récemment, les différentes juridictions saisies s’étaient efforcées de dégager une " obligation de vigilance et de prudence vis à vis du contenu des sites hébergés " (Affaire Lynda Lacoste, Cour d’appel de Versailles, 8 juin 2000).

L’obligation mise à la charge de l’hébergeur s’analysait en une obligation de moyens, celui-ci étant tenu de " prendre les précautions nécessaires pour éviter de léser les droit des tiers et de mettre en œuvre à cette fin des moyens raisonnables " (Affaire UEJF c/ Multimania, Tribunal de Grande Instance de Nanterre, 24 mai 2000). Les deux décisions précitées n’avaient pas retenu la responsabilité civile de l’hébergeur car la preuve d’une négligence ou d’une imprudence de la part de ce dernier n’était pas rapportée.

Désormais l’article 43-8 de la loi instaure pour les fournisseurs d’hébergement un régime de responsabilité dérogatoire au droit commun. Leur responsabilité pourra être engagée civilement ou pénalement si, saisis par une autorité judiciaire, ils n’ont pas " agi promptement pour empêcher l’accès à ce contenu ".

Le texte de loi initialement adopté le 28 juin 2000 prévoyait également que la responsabilité des fournisseurs d’hébergement pourrait être engagée si, saisis par un tiers " estimant que le contenu qu’ils hébergent est illicite ou lui cause un préjudice ", ils n’ont pas " procédé aux diligences appropriées ".

Toutefois, dans sa décision du 27 juillet 2000, le Conseil Constitutionnel a notamment censuré cette disposition en considérant que " en ne déterminant les caractéristiques essentielles du comportement fautif de nature à engendrer, le cas échéant la responsabilité pénale des intéressés, le Législateur a méconnu la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution ".

S’agissant d’un texte pénal, le Parlement avait en effet l’obligation d’énoncer clairement les éléments constitutifs de l’infraction. Il reste cependant que les tribunaux pourront continuer à appliquer les principes généraux de la responsabilité civile et pénale pour mettre en cause la responsabilité des fournisseurs d’hébergement.

Ce régime dérogatoire de responsabilité n’a pas été étendu aux fournisseurs d’accès qui sont simplement tenus " d’informer leurs abonnés de l’existence de moyens techniques permettant de restreindre l’accès à certains services ou de les sélectionner " et de leur " proposer au moins un de ces moyens " (article 43-7).

Cette disposition n’est pas réellement nouvelle, mais elle diffère de l’ancien article 43-1 crée par la loi du 26 juillet 1996 (amendement Fillon) en ajoutant une obligation d’information. En pratique il s’agit pour le fournisseur d’accès d’informer les internautes de l’existence de logiciels de filtrage du contenu et de les renvoyer vers un site proposant de tels services.

Par ailleurs l’article 43-9 de la loi met à la charge des fournisseur d’hébergement et des fournisseurs d’accès une obligation de détenir et de conserver les " données de nature à permettre l’identification de toute personne ayant contribué à la création d’un contenu ".

Il s’agit donc pour ces prestataires de détenir et de conserver l’identité de leurs abonnés, ainsi que les données de connexion (fichiers logs). Toutefois la loi n’impose pas de vérifier l’authenticité de ces informations ce qui rend donc l’efficacité de cet article incertaine. Ces données devront être communiquées à la demande d’une autorité judiciaire pour permettre l’identification de la personne qui a créé le contenu litigieux.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale précise également que les sanctions pénales de la loi du 6 janvier 1978 (loi informatique et libertés) sont applicables. Le fait de divulguer de telles informations sans autorisation de l’intéressé pourrait donc être puni d’un an d’emprisonnement et de 100 000 francs d’amende (article 226-22 du code pénal). L’article 226-21 du même code punit de 5 ans d’emprisonnement et de 2 millions de francs d’amende l’usage de données nominatives à d’autres fins que celles définies par un texte législatif ou par les déclarations préalables au traitement de ces informations.

Enfin, la loi clarifie les obligations des fournisseurs de contenus, définis comme étant les " personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication en ligne autre que de correspondance privée " (article 43-10).

La déclaration préalable du site au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et au Procureur de la République est désormais supprimée. En revanche, lorsque les fournisseurs de contenu sont des professionnels ils sont tenus de mentionner leur dénomination ou raison sociale (nom, prénom s’il s’agit d’une personne physique) et leur siège social (adresse pour une personne physique).

Ils devront également indiquer le nom du directeur (ou du co-directeur) de la publication au sens de l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Enfin, le cas échéant, ils devront faire apparaître sur leurs sites le nom, la dénomination ou la raison sociale et l’adresse du fournisseur d’hébergement.

Les non professionnels peuvent quant à eux préserver leur anonymat, mais ils sont cependant tenus de mettre à la disposition du public le nom, la dénomination ou la raison sociale et l’adresse de leur fournisseur d’hébergement (ce dernier devant conserver les éléments d’identification personnelle). Ainsi, si le responsable d’un site refuse de retirer un contenu litigieux, il sera possible de saisir plus facilement l’hébergeur pour lui demander d’accomplir les diligences nécessaires.

La loi n’a rien prévu en cas de fausse identification. Cependant, du fait de cette nouvelle obligation mise à la charge des fournisseurs de contenu, on peut imaginer qu’il sera possible de faire application de l’article 441-1 du code pénal qui punit de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 francs d’amende " toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ".

Sylvain Staub
Avocat à la Cour
sstaub@salans.com

Référence :
Texte de loi, publication au J.O. du 2 août 2000 :
http://www.legifrance.gouv.fr/citoyen/officiels.ow
Décision du Conseil Constitutionnel :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2000/2000433/index.htm